Ecraser ses (rares) bouteilles en plastique avant de les jeter, un geste devenu presque automatique. Dans l’imaginaire collectif, ce petit réflexe anodin permettrait de gagner de la place, d’optimiser le recyclage et d’aider les centres de tri. Sauf que ce n’est pas toujours vrai…
Dans certaines situations, ce geste pourtant bien intentionné pourrait même semer la pagaille dans les centres de tri, voire rendre la bouteille en question non recyclable. Et là, c’est toute la chaîne qui déraille. Alors, faut-il continuer à écraser les bouteilles d’eau, de soda ou de jus de fruits avant de les jeter, ou les laisser finir leur vie gonflées d’air comme elles sont nées ?
Pourquoi écrase-t-on souvent une bouteille en plastique avant de la jeter ?
Si l’on pose cette question autour de soi, la réponse fuse avec assurance : écraser, c’est réduire le volume, donc faciliter le transport et le tri. Difficile de contredire cette logique d’apparence imparable. Une bouteille vide, c’est 90 % d’air. Alors autant éviter de transporter du vide !
Dans les foyers, aplatir les bouteilles permet aussi de gagner de la place dans la poubelle ou le bac de tri. Une solution pratique quand les emballages s’empilent à vitesse grand V. Et dans certains immeubles, les consignes affichées recommandent même explicitement de les écraser, histoire de soulager les poubelles communes.
Mais ce réflexe citoyen cache un revers technique que peu de gens connaissent. Car toutes les chaînes de tri ne sont pas logées à la même enseigne.
Ce qui se passe dans un centre de tri : la bouteille vue de l’intérieur
Une fois la bouteille déposée dans le bac, son sort ne dépend plus de celui qui l’a consommée, mais du centre de tri local où les machines prennent le relais. Et c’est précisément là que le bât blesse.
La plupart des centres utilisent des machines de tri optique, capables de scanner les déchets à haute vitesse pour reconnaître les matériaux et les couleurs. Le plastique PET transparent, utilisé pour les bouteilles d’eau ou de soda, est identifié, trié, puis broyé pour être recyclé.
Mais ces machines sont entraînées à détecter les formes spécifiques : une bouteille debout, cylindrique, avec un goulot identifiable. Si la bouteille est aplatie de façon latérale, ou encore pire, en boule informe, elle peut être mal reconnue par les capteurs optiques.
Résultat ? Elle file dans le mauvais flux (le carton, les déchets non recyclables…) ou est éjectée vers l’incinération. Et voilà comment un simple écrasement peut réduire à néant la bonne intention écologique.
Verticale ou horizontale : la position qui change tout
Petite subtilité technique : tous les écrasements ne se valent pas. Si la bouteille est aplatie verticalement (de haut en bas), elle conserve encore des signes distinctifs : le goulot, la forme allongée, la transparence. Les machines peuvent encore l’identifier.
Mais si elle est écrasée à plat, en largeur ou roulée en boule, elle devient méconnaissable pour le scanner. On parle alors de « forme non conforme », et elle échappe au « bon » tri. La position de la bouteille, au moment du tri, joue donc un rôle crucial. Et dans certains centres, on recommande de ne pas l’écraser du tout, pour éviter les erreurs de reconnaissance.
Des consignes qui varient selon les régions
Autre facteur de confusion : les recommandations ne sont pas uniformes à l’échelle nationale. Selon l’équipement du centre de tri local, les consignes peuvent varier :
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Certaines collectivités demandent d’écraser les bouteilles verticalement.
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D’autres préfèrent qu’on ne les écrase pas du tout.
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Certaines recommandent même de laisser le bouchon vissé, d’autres de l’enlever.
Cette diversité s’explique par les différences de technologies de tri et les méthodes de collecte en vigueur. Ce qui fonctionne à Toulouse ne marche pas forcément à Lille ou à Nantes.
Le mieux reste donc de se référer aux consignes locales de tri, généralement disponibles sur le site de la mairie.
Avec ou sans bouchon ? L’autre débat qui divise
En parlant de bouchon, là aussi, les idées reçues fusent. Pendant des années, on a cru qu’il fallait l’enlever, au motif qu’il était fait d’un plastique différent. Et donc non recyclable.
Aujourd’hui, les consignes évoluent. Les filières de recyclage savent séparer les bouchons du reste en phase de broyage. Les laisser vissés permet même de conserver la forme de la bouteille, facilitant son identification par les machines.
Mais attention, certains centres demandent encore de les retirer. Là encore, la règle d’or, c’est la consigne locale.
Ce qui se passe quand la bouteille est mal triée
Quand une bouteille est mal identifiée ou orientée dans le mauvais flux, elle finit :
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incinérée, avec une perte d’énergie et un impact carbone,
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enfouie, ce qui prolonge sa durée de vie de plusieurs centaines d’années,
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ou contamine un autre flux de matériaux recyclables, rendant toute une cargaison inutilisable.
En clair, un petit geste mal orienté peut saboter tout un processus.
Et plus il y a d’erreurs de tri, plus le recyclage coûte cher, et moins il est efficace. Une réalité encore méconnue du grand public, qui croit souvent bien faire en compactant ses déchets.
La meilleure solution reste encore de ne pas consommer de plastique !
Aussi perfectionné soit-il, le tri sélectif reste une réponse partielle à un problème bien plus vaste. Recycler ses bouteilles en plastique, c’est bien, mais produire moins de déchets à la source, c’est encore mieux.
Chaque bouteille mise dans sa poubelle correspondante, même triée avec soin, a nécessité des ressources pour être fabriquée, transportée, puis recyclée… si elle l’est vraiment. Car une partie des plastiques collectés finit incinérée ou exportée à l’autre bout du monde.
Le vrai geste fort, c’est d’éviter la bouteille plastique en amont. Une gourde en inox, une carafe filtrante, une fontaine à eau publique… les alternatives ne manquent pas et permettent de dire adieu à ces contenants jetables qui pèsent lourd sur la planète. En fin de compte, le meilleur tri, c’est encore celui qu’on n’a pas besoin de faire.