C’est un geste anodin, presque invisible, un réflexe du quotidien. Le téléphone est débranché, mais le chargeur reste intégré dans la prise. Après tout, il ne fait rien. Il ne chauffe pas, ne clignote pas, ne ronfle pas. Mais voilà : ce petit cordon discret, inoffensif en apparence, continue de demander de l’électricité en silence…
À l’échelle d’un foyer, d’un immeuble, d’un quartier, ce simple oubli devient un sacré gaspillage d’énergie. Alors, combien ça coûte vraiment, de laisser son chargeur branché toute la journée ? Quelle est l’ampleur du phénomène ? Et surtout, comment l’éviter ?
Le syndrome du chargeur endormi
Un chargeur sans téléphone branché, ça ne sert à rien. Mais est-ce que ça consomme pour autant ? La réponse est oui… mais à petite dose.
La plupart des chargeurs modernes continuent de puiser un peu d’électricité, même lorsqu’ils ne sont pas en train de charger un appareil. Cette consommation est appelée consommation en veille ou énergie fantôme. En moyenne, un chargeur de téléphone classique consomme entre 0,1 et 0,5 watt à vide.
Alors bien sûr, vu comme ça, difficile de s’enflammer. Mais le vrai problème, c’est l’effet cumulatif.
Un chargeur laissé branché 24h/24 pendant un an consommera environ 0,4 kilowattheure (kWh). À première vue, une goutte d’eau. Mais multiplions ça par plusieurs appareils, plusieurs pièces, et plusieurs millions de foyers… et c’est un océan d’énergie perdue.
Une addition bien plus salée qu’il n’y paraît
Prenons un exemple concret. Une maison avec :
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2 chargeurs de téléphone,
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1 chargeur de tablette,
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1 chargeur d’ordinateur portable,
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1 enceinte Bluetooth ou accessoire similaire.
Tous branchés en permanence. Si chacun consomme 0,3 watt à vide, on arrive à 1,5 watt continuellement prélevé du réseau. En une année, cela représente environ 13 kWh, soit environ 3 à 4 euros par an à l’échelle du foyer.
Encore une fois, ce n’est pas le prix qui choque. Ce qui interpelle, c’est la quantité d’énergie produite, transportée, puis gaspillée… pour rien.
Et à l’échelle d’un pays ? On estime que l’énergie fantôme représenterait jusqu’à 10 % de la facture d’électricité d’un foyer moyen, tous appareils confondus. Pas juste les chargeurs, mais aussi les téléviseurs en veille, les micro-ondes qui affichent l’heure, ou les box internet qui tournent la nuit.
Une question d’habitude, pas de technologie
Les chargeurs récents sont plus économes que les anciens modèles. Certains s’éteignent automatiquement lorsqu’ils ne détectent pas d’appareil. D’autres utilisent des matériaux moins énergivores. Mais malgré ces progrès, le vrai changement vient des gestes quotidiens.
Débrancher un chargeur ne prend que quelques secondes. Le problème, c’est qu’on n’y pense jamais. Il est caché derrière un meuble, coincé dans une multiprise, ou intégré à une routine bien huilée.
Changer cette habitude, c’est un peu comme apprendre à éteindre la lumière en sortant d’une pièce. C’est simple, mais ça demande une prise de conscience, un petit déclic.
Le vrai coût : plus écologique qu’économique
Quelques euros de perdus par an, ce n’est pas catastrophique pour le budget. Mais sur le plan environnemental, les conséquences sont bien plus lourdes.
Chaque kilowattheure produit émet du CO₂, même dans un pays comme la France où l’électricité est majoritairement nucléaire. Il faut extraire les matières premières, alimenter les centrales, transporter l’énergie, compenser les pertes en ligne… Tout ça, pour alimenter un chargeur vide, c’est un non-sens écologique.
Et si le foyer est alimenté par une énergie plus carbonée (comme le charbon ou le gaz), alors le bilan devient franchement désastreux. Laisser tous ses chargeurs branchés revient, à long terme, à laisser couler un robinet dans le désert.
Les autres appareils fantômes : le top 5 des champions
Les chargeurs ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Dans la maison, beaucoup d’appareils consomment en veille sans qu’on s’en rende compte. Voici les plus gourmands :
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La box internet et son décodeur TV : jusqu’à 20 watts en veille.
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Le téléviseur moderne : entre 2 et 10 watts.
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Le four et le micro-ondes avec horloge : 3 à 5 watts.
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L’ordinateur de bureau éteint mais branché : 1 à 4 watts.
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L’imprimante ou le scanner inactif : souvent 2 à 6 watts.
Au total, un foyer moyen peut perdre entre 300 et 500 kWh par an rien qu’en laissant ces appareils branchés inutilement. Soit 60 à 100 euros envolés, littéralement.
Comment réduire facilement cette énergie invisible ?
Pas besoin de tout débrancher à la main chaque soir, des solutions simples existent :
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Utiliser des multiprises avec interrupteur : un clic, et tout s’éteint.
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Opter pour des prises programmables qui coupent le courant la nuit.
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Installer des prises intelligentes contrôlables à distance ou à la voix.
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Préférer des appareils avec mode veille ultra basse consommation.
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Faire un mini-audit chez soi pour repérer les prises inutiles.
En quelques ajustements, la maison gagne en sobriété énergétique sans sacrifier le confort.
Et demain ? Vers une consommation énergétique plus maligne
Les chargeurs du futur seront peut-être tous équipés de coupures automatiques, d’indicateurs lumineux ou même de détection de présence. Mais en attendant, la solution est à portée de main : éteindre, débrancher, couper le robinet invisible.
L’électricité est précieuse. Produite avec des ressources limitées, souvent polluantes, elle mérite d’être utilisée à bon escient. Pas pour nourrir un câble qui ne sert à rien.
Alors, la prochaine fois qu’un chargeur vide trône dans une prise, une petite voix intérieure pourrait bien souffler : « Tu travailles pour rien, mon ami. » Et ça suffira peut-être à l’envoyer dormir dans un tiroir !